FAQ

Questions fréquentes sur les crèches bilingues

Les porteurs de projets de crèches bilingues me sollicitent beaucoup. Je souhaite continuer à partager mon expérience, car quand j’ai voulu créer mes crèches, je n’ai trouvé aucune crèche bilingue disposée à répondre à mes questions. Je prends le temps de mettre sur cette page quelques questions fréquentes sur les crèches bilingues, en espérant qu’elles vous feront avancer. Mes réponses n’engagent que moi et un autre gestionnaire de crèche bilingue vous en ferait peut-être d’autres. J’espère qu’elles sont basées essentiellement sur du bon sens et sur un peu d’expérience et qu’elles sont transposables à vos projets. Si vous avez une question qui n’est pas dans la liste, vous pouvez utiliser le formulaire de contact pour me la poser.

Comment choisir le type de crèche qu’on veut ouvrir ?

si vous n’êtes pas encore familier avec les différents types de crèches, et les systèmes de tarification PAJE et PSU, je vous invite à vous renseigner en vous rendant à des réunions CAF, ou en consultant les documents publics tels que les rapports annuels de l’observatoire de la petite enfance.

Si on est professionnel de la petite enfance depuis un certain temps, on peut envisager d’être à la fois salarié auprès des enfants et gestionnaire de sa crèche. Dans ce cas, vous n’avez pas forcément besoin d’un salaire de gestionnaire et tous les types de crèches sont possibles, privée comme associative, et même coopérative. EJE ou infirmière, vous pourriez être gestionnaire-directeur, une double position managériale envisageable mais prenante, il faudrait de bons adjoints. Auxiliaire puer ou CAP Petite Enfance, vous pourriez être membre de l’équipe et gestionnaire. La situation serait un peu schizophrénique car vous seriez à la fois le supérieur et le subordonné de votre directeur et ça pourrait perturber l’équipe et le directeur.

Si on n’est pas pro petite enfance, on a besoin de dégager un salaire en tant que gestionnaire. Dans ce cas, 2 types de crèches sont possibles :
1) la crèche d’entreprise, en général sous forme de multi-accueil (MAC). C’est un univers qui a explosé entre 2004 et 2014, et qui est aujourd’hui un oligopole de 6-7 groupes (Babilou, LPCR, Crèche attitude, People and baby, la maison bleue, crèche de France…) très bien rodé. Il est probablement un peu tard pour se lancer dans cette voie. Il vous serait difficile de lutter à armes égales avec ces sociétés pour démarcher les entreprises souhaitant réserver des berceaux dans votre crèche.
2) la micro-crèche (MC) PAJE. C’est un univers qui a explosé entre 2011 et 2018. Environ 30% des MC ont été absorbées dans les grosses sociétés. 70% des MC sont gérées par des centaines de petites entreprises qui comptent entre 1 et 10 MC, avec une moyenne qui doit plutôt tourner autour de 2-3 MC par société. Cette moyenne n’est pas là par hasard. Si vous voulez gagner un salaire raisonnable pour fruit de vos efforts, vous ne pourrez pas l’obtenir sur les bénéfices d’une seule MC. Donc s’imaginer ouvrir une MC, ça veut en réalité dire en ouvrir 2 ou 3…et ça, c’est un effort un peu plus conséquent dans lequel on ne peut pas s’engager à la légère et pour lequel il faut avoir des fonds à investir.

Comment recrute-t-on du personnel qualifié pour travailler en crèche et bilingue ?

that is the 1 billion dollar question 🙂
Si ce point était facile, les gros acteurs privés du secteur auraient déjà converti leurs crèches par dizaines au bilinguisme. Le seul qui s’y risque actuellement est People and baby avec un nombre limité de crèches.
Dans les pays anglo-saxons, bien souvent la crèche et la maternelle ne font qu’un et l’école démarre vers 5-6 ans. Les professionnels petite enfance anglophone formés dans ces pays vont donc souvent avoir un profil mi-petite enfance, mi-instit de maternelle.
Il va être plus facile de trouver du travail dans le milieu éducatif en UK par exemple pour un français, que pour un anglais de trouver du travail en France. En UK, il est accepté de démarrer sans qualification et de se former par correspondance. Travailler tout en étudiant dans la petite enfance en France est beaucoup moins facile.
Dans un staff de MAC, on peut arriver à recruter quelqu’un qui n’a pas tout à fait un profil petite enfance, soit comme membre d’équipe permanent, soit comme intervenant qui passe une ou deux heures par jour avec les enfants, avec pour mission de faire des ateliers linguistiques.
Dans une MC en revanche, les règles d’embauche sont incontournables : tout le monde doit avoir une certification ou un diplôme petite enfance + 2 ans d’expérience à temps plein avec des enfants de moins de 3 ans. L’un ou l’autre de ces 2 critères est souvent absent des CV anglophones, qui sont souvent fait de petites expériences professionnelles à droite à gauche, au fil des opportunités. On sent que ces personnes pourraient faire l’affaire, mais on ne peut pas les recruter dans l’immédiat. Alors comment travailler avec ces personnes pour que leur CV devienne éligible ?
1) évaluer un diplôme ou certificat passé à l’étranger. Procédure assez simple qui doit être à l’initiative du candidat mais rien n’empêche un petit coup de pouce de votre part. Moyennant 70€ et un peu de paperasse, un étranger peut déposer une demande auprès de l’Enic-Naric pour faire évaluer son diplôme. Il aura besoin de la copie de son diplôme, d’un détail des heures effectuées car l’Enic Naric vérifie chaque école et ne rend son verdict que pour les formations complètes contenant un certain nombre d’heures. L’Enic Naric annonce un temps de traitement d’une demande de 4 mois maxi. J’ai vu des demandes traitées en 2 jours comme en 2 mois. Comme le candidat peut ajouter une seule pièce jointe libre, si vous voulez accélérer une procédure, vous pouvez joindre un courrier expliquant qu’il y a une embauche à la clé.
Ainsi vous saurez qu’un FETAC level 5 irlandais, ou un NVQ Level 3 anglais, ou un diplôme d’éducateur canadien sont reconnus à un niveau IV dans la classification européenne, soit pour la PMI un niveau comparable au diplôme d’auxiliaire de puériculture. Ces personnes pourront être intégrées dans vos équipes en tant que diplômés. Un NVQ level 2 anglais sera considéré au niveau V, soit l’équivalent du CAP Petit Enfance, et ces personnes pourront être intégrées dans vos équipes en tant que non diplômés.
Il faut donc demander aux candidats étrangers quel diplôme petite enfance ils possèdent, et les aider à obtenir l’évaluation de ce diplôme par l’Enic Naric. Sans ce travail préalable, inutile de présenter leur candidature à la PMI, qui ne connait pas les diplômes non français.
2) atteindre les 2 ans d’expérience avec des enfants de moins de 3 ans. C’est le gros souci actuellement, notamment pour les CAP Petite Enfance fraichement certifiés. Les grosses crèches sont prises d’assaut par les candidats; la garde à domicile peut donner des petits contrats souvent précaires et concerner aussi bien des petits que des plus grands en périscolaire. Soyez sélectifs sur les familles chez qui on vous envoie, car il peut être difficile de générer 2 ans d’expérience à temps plein en 2 ans de temps. Parfois, 5-7 ans aux domiciles de familles donnent à peine les 24 mois d’expérience demandés par la PMI.
Dans le cadre des crèches bilingues, il m’est assez souvent arrivé de recruter des CAP Petite Enfance qui étaient partis un ou deux ans à l’étranger au pair. A condition d’aller dans une famille avec au moins un enfant de moins de 3 ans, c’est une bonne façon de faire un temps plein valide pour les crèches ensuite, tout en revenant avec un meilleur niveau de langue. Je ne vais pas faire un long laïus sur les dangers d’être au pair. Il est évident qu’il faut partir sous contrat, préserver du temps pour profiter du pays et étudier la langue à la fac et avec le soutien de la famille, et éviter de se retrouver piégée comme bonne à tout faire sans contrat officiel et sans temps pour s’améliorer dans la langue. Idéalement, vous prolongerez l’expérience en accompagnant l’ainé de la famille dans sa crèche et si vous êtes chanceux, vous y travaillerez un peu.

Recruter de bons bilingues est affaire de chance et de patience. Vous allez peut-être sympathiser avec des profs d’anglais ou des anglophones qui n’ont pas d’expérience en petite enfance mais qui sont attirés par une reconversion. Pendant 2-3 ans, vous ne pourrez pas envisager de les recruter en MC mais ils pourront passer un diplôme, puis accumuler de l’expérience, et quelques années après, grâce au lien tissé patiemment et respectueusement, aux stages effectués chez vous, aux jobs trouvés avec votre aide, et à la bonne ambiance de travail qui règne dans vos crèches, c’est chez vous qu’ils viendront travailler.

Il faut toujours penser à développer cet « après », car le personnel bilingue est par définition un ensemble de personnes qui ont la bougeotte : ils veulent voyager, s’intéressent à différentes cultures, veulent changer de travail tous les 3-4 ans…Même s’ils ont été durs à trouver, il faut accepter de les perdre et être prêt à en trouver d’autres. Idéalement, vous mélangerez dans vos équipes des gens qui n’ont pas encore beaucoup d’attaches et que vous sentez mobiles, avec des gens qui ont une famille et sont plus sédentaires, recherchent une stabilité professionnelle. Il faut un peu des deux pour garder une dynamique stimulante qui tire tout le monde vers le haut.

Il y a des choses qui aideraient beaucoup à agrandir le « vivier » de professionnels petite enfance bilingue disponibles à l’embauche : que les équivalences des diplômes entre pays soient connues et établies, notamment sur la zone Europe, et que les parcours soient un peu plus semblables (par exemple, il n’y a pas de diplôme BAC+1 dans la filière éducative en France alors qu’il existe en UK et Irlande); que les « pole emploi » des pays soient connectés et qu’on puisse déposer depuis la France des offres dans d’autres pays (ça existe pour les postes de cadres sup, mais pour les boulots à faible rémunération beaucoup moins); que les écoles de formation d’auxiliaire puer ou d’infirmière puissent se faire avec une année de césure Erasmus et un double diplôme français-anglais à la clé par exemple…des idées, on peut en avoir plein ! Si j’étais un gros groupe de crèche, je saurais quoi faire !

Comment mettre en place le bilinguisme en crèche ?

Les crèches bilingues listées sur ce site ont probablement différentes façons de mettre en place le bilinguisme. Ma première idée était d’amener une crèche anglaise sur le sol français. Mais en questionnant les parents français, j’ai récolté à une écrasante majorité une envie de crèche bilingue plutôt que 100% anglaise. Je suis donc partie sur l’idée de baigner les enfants dans les 2 langues toute la journée. Pour ça, en MC, où l’on travaille en binôme une grande partie de la journée, j’ai opté pour constituer des binômes où l’un parle anglais et l’autre français. Ceci impose d’avoir 50% de ses salariés anglophones. Si vous n’y parvenez pas lors des recrutements, votre concept d’immersion à longueur de journée en prend un coup. Si le niveau d’anglais des recrues n’est pas parfait, ce n’est pas non plus idéal.
Au début, j’imaginais recruter uniquement des anglophones natifs. Sur 4 ans, j’ai réussi à en recruter 3. Les autres anglophones sont des français qui ont vécu longtemps à l’étranger, et dont le niveau d’anglais et l’accent sont vraiment fluides et sans fautes. Chacun, gestionnaire comme parent, aura sa sensibilité quant à ce qui constitue un bon bilingue. Techniquement, on peut dire qu’un bon bilingue est de niveau C2, ce qui revient à avoir des scores quasi parfaits dans les tests tels que Bulats ou TOEIC. On peut proposer une très bon niveau de crèche bilingue malgré la rareté de professionnels natifs de chaque langue. Mais attention : si vous avez une équipe 100% française, il faudra veiller à ce que l’équipe ne glisse pas vers le français et que les personnes en poste anglophone soient très rigoureuses pour parler uniquement anglais…plus facile à faire quand on est natif anglophone que quand on est français !

Chaque situation doit être considérée en fonction de l’équipe disponible. S’il n’y a pas assez de bons anglophones, il vaut peut-être mieux qu’il n’y ait qu’un seul anglophone par crèche, et que l’accent soit fortement mis sur l’anglais avec cette personne. Ceci amènera 2-3 heures d’anglais de qualité aux enfants par jour. Si la quantité d’anglais tombe à une fréquence hebdomadaire ou mensuelle, là je ne sais pas si on peut encore parler de crèche bilingue. On est plutôt sur une crèche classique qui propose de l’initiation à l’anglais. On ne peut plus parler d’immersion ou de bain de langage avec quelques heures par semaine d’une autre langue.
Je pense que différents types de crèche bilingue sont possibles. L’important, c’est que la réalité de vos crèches soit satisfaisante par rapport à ce que vous projetiez de faire, et que vous soyez cohérents dans votre discours aux parents : ne leur promettez pas une immersion si vous avez seulement quelques heures d’anglais dans la semaine. Ne prétendez pas être une crèche bilingue si les professionnels ne maitrisent pas suffisamment bien les 2 langues. Sinon gare aux déçus !

à quoi peut-on s’attendre dans le développement du langage chez les enfants qui fréquentent une crèche immersive bilingue ?

La compréhension des 2 langues est très rapide. Un enfant d’un an comprend ce qu’on lui dit bien avant de savoir parler et en quelques semaines. Il n’y a pas besoin de fréquenter la crèche bilingue à temps plein ou dès 3 mois pour profiter du développement de cette compréhension auditive. Les débats et études sur l’âge idéal pour apprendre les langues ont dans le passé parlé d’une fenêtre qui se refermait vers 12 ans, puis 10 puis 8. Aujourd’hui on entend plutôt dire que c’est avant 6 ans qu’il faut exposer les oreilles des enfants à différentes langues. La crèche bilingue et l’école maternelle bilingue seraient donc les dispositifs les plus importants à développer pour profiter de cette capacité des enfants à un âge où ça ne leur demande pas beaucoup d’effort.
L’expression ne vient pas aussi facilement, et les familles qui ont 2 langues maternelles à la maison le savent bien. Dans nos crèches, les enfants de familles francophones sont souvent majoritaires. Lorsque leur langage explose entre 2 et 3 ans, c’est donc tout naturellement en français qu’il explose. C’est une période où l’équipe doit tenir bon. Si on parle en anglais à l’enfant et qu’il répond en français, il faut continuer à lui répondre en anglais. Les enfants vont surtout utiliser des mots isolés dans la deuxième langue, ou des suites de mots parmi les plus fréquemment utilisés ou dans les chansons. Les parents vous diront qu’ils utilisent des mots anglais dans la rue ou à la maison. Pour les enfants anglophones, ce sera l’inverse : ils vont saupoudrer leur langage de quelques mots français, mais pour eux ce sera plus naturel de continuer à développer l’anglais à la crèche. Par conséquent, l’idéal est d’avoir à la fois des familles francophones et anglophones qui viennent à la crèche. Les enfants auront ainsi plus de chances d’interagir entre eux dans les 2 langues. C’est un point bien connu des jardins d’enfants et maternelles bilingues…

bilangue ou bilingue ?

Si vous utilisez 2 langues dans la crèche mais que vous ne connectez pas ces langues avec des cultures, votre projet n’est pas bilingue, il est juste bilangue. Pour qu’il soit bilingue, il faut intégrer les cultures au projet. Ceci peut se faire par le biais de chansons, de fêtes, d’histoires, avec les enfants et les parents. On peut aussi passer par les parents pour parler d’autres cultures. Votre projet bilingue va surement attirer des familles qui reviennent ou envisagent de partir en expatriation. Des spécialités culinaires, des fêtes traditionnelles, tout ça construit votre univers bilingue. Souvent, l’équipe est occupée par les enfants et ce sera à vous, gestionnaire, à veiller à ce que ces touches multiculturelles fassent partie du projet de la crèche. Comme dans les familles qui ont plusieurs langues, ça demande du travail patient, répétitif, de développer deux langues à la crèche. On peut s’appuyer sur un calendrier, sur le matériel. Si on a tout ce qu’il faut pour fêter les fêtes multiculturelles (les drapeaux, les livres, les moules à gâteau, les décorations), c’est plus facile d’y penser !!!