controverse sur l’apprentissage de l’anglais en France

avez-vous déjà entendu parler de cette étude, réalisée par EF, un organisme spécialiste des séjours linguistiques, qui cherche à évaluer le niveau d’anglais des pays un peu partout dans le monde?

Les résultats de cette étude ont été commentés en français sur le blog du Monde : lien

Cette étude est critiquée, et peut-être critiquable à juste titre pour ses limites et sa rigueur statistiques, mais il semblerait qu’elle soit ce qui existe de moins biaisé et de plus vaste à ce jour.
Chaque article ou post sur internet sur l’apprentissage des langues étrangères génère un flot de commentaires qui ne me parait pas très constructif. Le sujet doit être plus épidermique qu’on ne le pense pour générer des réactions aussi fortes. Mais plutôt que d’entrer dans les débats obtus autour de l’anglais colonialiste dominant auquel il faut résister, des autres langues qui protestent qu’on les néglige, de la francophonie déclinante et menacée, du bourrage de crâne fallacieux caché dans ce type d’étude marketing, je préfère m’interroger et essayer de créer quelque chose à partir des points suivants:
-notre régression au sein de l’Europe, le continent pourtant le plus performant en anglais … pourquoi ?
-notre classement parmi les pays qui ont un niveau faible, comme la Chine … aïe !
-l’anglais qui est prédit pour rester la langue la plus utilisée pour le travail dans un monde de plus en plus global …quoi qu’en disent les défenseurs des autres langues
-l’attitude volontariste de l’Espagne, qui fait un gros effort à l’école avec 30% de cours en anglais …et pourtant l’anglais n’est pas simple pour eux
-la relation entre le succès économique des pays et leur maitrise de l’anglais …s’il fallait en faire une raison économique avant tout
-les témoignages quotidiens que je recueille d’adultes français qui souffrent d’être mauvais en anglais et qui ont de profonds regrets par rapport à l’anglais scolaire et pas très axé sur l’oral tel qu’ils l’ont appris à l’école
-les témoignages de parents qui constatent que leurs enfants polyglottes apprennent souvent mieux dans les cours dispensés en anglais que dans ceux dispensés en français, et sont parfois rejetés par le système scolaire au lieu d’être soutenus dans leur avantage linguistique.

Autant de points qui m’interpellent, et qui me laissent penser que si nous avons toujours cette petite tendance à défendre notre langue, notre culture, notre système éducatif, une partie au moins des Français est capable de voir qu’ailleurs, ça peut être pas mal aussi, et que l’anglais est bien utile; qui me confortent dans l’idée que non seulement nos cerveaux ont la capacité d’apprendre plusieurs langues et qu’il est dommage de nous limiter, mais que l’effort à fournir est plus faible et devient même un jeu quand on le fait très jeune. La moitié de la planète qui grandit dans un environnement bilingue ne se plaint pas de devoir manipuler deux langues. En France, des centaines de milliers d’enfants vont à l’école française alors qu’ils entendent une autre langue à la maison matin et soir. Alors où est la norme : monolinguisme ou plurilinguisme ?
Et pourquoi est-ce si difficile pour certaines personnes qui réagissent avec virulence sur ces sujets d’accepter que chacun soit libre de faire ce qu’il veut pour lui ou pour ses enfants ? C’est l’abondance d’amalgames et le manque de tolérance, de souplesse, d’adaptabilité qui m’interpellent dans les réactions que je lis sur un sujet qui devrait être ludique, léger et plaisant au même titre qu’une visite dans un musée. Les langues n’ouvrent-elles pas des fenêtres culturelles autant que l’art ?
L’orthographe française fout le camp, y compris dans les plus grands médias nationaux, il faut se battre pour le préserver et je ne lâcherai rien sur ce point avec mes enfants. Mais je suis aussi partisane d’une offre plus importante d’environnements bilingues à la crèche et à l’école, et d’une observation curieuse et enthousiaste sur le terrain, faite d’essais et de corrections jusqu’à ce qu’on trouve comment les enfants français pourraient mieux apprendre l’anglais ou d’autres langues. Que je sache, les écoles bilingues ont des listes d’attente qui n’incluent pas que des parents étrangers, et j’ai maintenant plusieurs centaines de parents vivant en France qui ont rempli notre enquête et qui rêvent de crèches bilingues pour leurs enfants.
Comme pour toute entreprise de service qui cherche à développer une offre pour répondre à la demande d’une clientèle, nous devons offrir des options multilingues à ceux qui le souhaitent car il y a aujourd’hui en France une clientèle qui ne trouve pas d’options. Si nous pouvions au passage voler un soupçon de cet esprit entrepreneur anglo-saxon qui ose essayer et se tromper, au lieu d’avoir peur de l’échec en bons franchouillards frileux et pessimistes que nous sommes, ce serait un bon début ! Et dans ma douce folie optimiste, je m’autorise même à rêver d’un temps peut-être pas si lointain où en France, l’anglais sera devenu un acquis comme en Suède ou au Pays-Bas, et le débat se sera déplacé sur la troisième ou la quatrième langue au lieu d’être bloqué pendant des décennies sur la première langue étrangère… et si ça ne doit pas être général et ne concerner que quelques milliers de personnes, nous n’aurons pas perdu notre temps et nos efforts.

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